Le Chant de la Noria
Propos d'auteur

Motifs • IdéeConstructionDirectionMusique

Pour parer au danger qui se dessine, pour moi comme pour d’autres : le regard imposé de l’autre. Lequel regard, malheureusement pour des raisons historiques et culturelles, peut pousser le cinéaste vers le folklorisme.

Qu’est-ce que le folklorisme dans notre cinéma ? C’est une imagerie qui se répète et qui satisfait l’idée que l’autre aime bien à se faire de vous. Ce sont aussi des thèmes auxquels on se limite à dessein parce que cela fait idéologiquement correct ou alors, et ça c’est plus fréquent, parce que cela conforte certains préjugés, et là aussi c’est du folklorisme.

La Tunisie n’est pas qu’un hammam, un quartier populaire grouillant ou un douar de campagne, c’est aussi un pays urbanisé, alphabétisé, cultivé, civilisé, d’autres catégories de gens y vivent, avec d’autres visions, d’autres aspirations, d’autres illusions, d’autres désillusions.

L’autre raison pour laquelle j’ai laissé mûrir mon film est précisément le choix des personnages. J’ai voulu opter pour des personnages cinématographiquement « inhabituels » mais qui sont, à bien y voir, assez représentatifs de nos réalités.

Des personnages qui tranchent avec ceux que l’on montre généralement dans des films à vocation sociologique ou critique mais des personnages qui ne sont pas moins vérifiables et vrais.

Je ne me rappelle plus quel grand cinéaste avait dit un jour qu’il faut se méfier du cinéma parce qu'avec le temps et l’identification, il finit toujours par se substituer à nos réalités. Nous avons tellement l’habitude d’intérioriser les réalités et les problématiques de la fiction que nous risquons d’en oublier l’existence même au concret.

Je crois que le cinéaste n’est pas astreint à traiter des problématiques dites prioritaires. C’était peut-être le cas dans les années 60-70. En ce temps, l’idéologie progressiste et militante faisait pression. Cela n’a plus aucun sens aujourd’hui, à une époque où l’art et l’artiste ont retrouvé toutes leurs latitudes de penser et de créer. En fait, on n’a plus que son être à défendre.